Les militants pour le climat et la jeunesse engagée déçus par le bilan de la COP 28

L’accord final de la cop 28, signé le 13 décembre à Dubaï  est largement en dessous des attentes des jeunes pour une transition écologique radicale, qui semble être la seule solution pour ralentir les dérèglements climatiques.

Des jeunes militants protestent pour exiger des dirigeants qu'ils assument leur responsabilité en matière de pertes et de dommages. Photo : news.us.org

Les ambiguïtés linguistiques de l’accord final ne sont pas contraignantes pour pousser les 198 pays signataires de la Convention Cadre de la Conférences des Nations Unis sur les Changements Climatiques à un véritable changement dans leur impact sur le climat. L’accord final est critiqué pour son manque d’objectifs chiffrés et d’un calendrier précis. Les jeunes militants pour le climat à travers le monde expriment leur déception face à un accord qui reste non contraignant et efficace seulement en superficie.

 Un bilan global décevant 

 Le résultat de l’accord final de la COP 28 présente des défauts majeurs dont il est important de souligner les limites. Cette COP (Conférence des parties sur les changements climatiques) a été synonyme, dans les médias, de grand changement. Pour la première fois, le sujet de l’élimination progressive des énergies fossiles a été souligné dans un texte de COP. Mais son inscription dans le texte est paradoxale : elle induit toujours de permettre des nouvelles techniques d’exploitation fossile. Le texte souligne en effet la réduction de l'utilisation du charbon, la source la plus polluante, et la diminution des subventions publiques aux énergies fossiles, à l'exception de celles destinées aux ménages modestes. Cependant, le gaz, considéré comme une énergie de transition, soulève des inquiétudes en tant qu'énergie fossile émettrice de GES : les futures générations seront donc nécessairement impactées par ce manque d’action.

Bien que l'accord fixe des objectifs tels que le triplement des capacités de production d'énergies renouvelables d'ici 2030 et le doublement des taux d'efficacité énergétique, il reste complètement symbolique. De plus, l'importance accordée aux technologies de capture et de stockage du carbone, encore coûteuses et insuffisantes, soulève des préoccupations quant à la réalisation des objectifs fixés. 

Image : Leuky Boy sur lesrepliques.com

L'adoption du fonds de compensation pour les pertes et dommages est applaudie comme un pas significatif en faveur de la justice climatique. Mais les montants annoncés sont jugés insuffisants, notamment par les pays du Sud global qui réclamaient des contributions bien plus importantes. De plus, le choix de la Banque Mondiale pour héberger le fonds est critiqué, ajoutant une dimension de contestation à cette avancée. En effet, les pays du sud, les plus concernés par cette décision, l'interprètent comme un moyen de garder la mainmise via une institution que les grands pays pollueurs maîtrisent largement. Cela pourrait également faire perpétuer le modèle donateur-bénéficiaire, néfaste à leur indépendance économique. 

L'engagement de 152 pays à inclure l'agriculture et l'alimentation dans leurs plans climatiques est salué, mais le financement alloué (1,5% des engagements financiers de la COP) est encore faible. Les militants écologistes regrettent l'absence d'engagement concret pour réduire la consommation de viande et l'élevage industriel, responsables d'une part importante des émissions liées à l'élevage.


Un fort besoin d’alternative de la part des jeunes et des populations marginalisées

 Avant qu'elle ne commence, la COP 28 posait déjà problème pour de nombreux jeunes militants. Ils critiquent le paradoxe que constitue l’organisation de cette 28e COP. Les points les plus remis en question sont entre autres sa tenue à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis, un des pays les plus polluants du monde, et sa présidence par Sultan Al Jaber, patron de la compagnie pétrolière Adnoc et ministre de l'Industrie et des Technologies avancées des Émirats arabes unis. La participation de 85000 participants à l’évènement a été interrogée par les militants et les ONG qui s’opposaient à l’organisation de la COP. Il pointent du doigt l’ironie que constituent les émissions de Co2 générées par la venue d’un si grand nombre de participants à Dubaï, majoritairement par des modes de transports polluants, pour parler de changement climatique.

La grande marche pour le climat du 15 mars 2019 Photo : Guillaume Levasseur archives Le Devoir

Des initiatives alternatives concrètes ont été prises pour s’opposer à la COP. 180 responsables d’entreprises engagés dans la lutte pour le climat ont notamment appelé au boycott de l'événement dans une tribune du Monde, et y assument leur absence parmi les invités. Mais d’autres initiatives lui font aussi ouvertement concurrence. Le collectif international « Scientifiques en rébellion » a aussi organisé une COP 28 alternative à Bordeaux, du 30 novembre au 12 décembre 2023, qui vise à combler les « sérieux doutes » sur l’efficacité de la COP28 de Dubaï, comme ils l’annoncent sur leur site. À travers une assemblée populaire, et le procès fictif de Total, ils réfléchissent à des actions locales et souvent militantes. Leur modes de fonctionnement, par des réfléxions et référundums publics, puis par l’organisation d’actions de désobéiance civiles, est une alternative se voulant plus concluante. Mais les jeunes aussi s’engagent directement pour défier la cop. La COP 3 étudiante à Angers est une initiative qui vise à rendre concrète l’implication des étudiant.es pour le climat, et à dépasser leur anxiété climatique. Elle a par exemple permis à huit jeunes de présenter leur projet sur le développement durable et la transition, et de faire gagner aux trois projets les plus concluants un soutien financier. De plus, Le Youth Forum on Adaptation Finance in Africa (YOFAFA), qui a réuni plus de 200 jeunes participants à Yaoundé en Novembre, tente également de répondre à l’impact disproportionné du changement climatique sur le continent africain. Le forum vise lui à informer les jeunes sur le changement climatique, et à donner des moyens concrets de sensibilisation pour adapter les sociétés africaines au changement climatique. Ces initiatives expriment un besoin d’action direct des populations marginalisées, qui vont inévitablement remettre en cause l’organisation de la COP en elle-même.

Le chemin vers une transition écologique radicale nécessite des actions concrètes et des engagements plus contraignants. Les regards se tournent déjà vers la prochaine COP en 2024 à Bakou, en Azerbaïdjan, où la question cruciale du financement des politiques d'atténuation et d'adaptation devra être abordée avec une urgence renouvelée. 

Précédent
Précédent

La génération TCA : les jeunes sous le joug des Troubles du Comportement Alimentaire

Suivant
Suivant

Belgique : une année avant les élections fédérales de 2024, quel constat ?