Recommandations culturelles de juin

Comme tous les mois, Weshculture vous partage ses coups de cœur dans l’actualité culturelle. informe de l’actualité culturelle variée de la capitale afin de vous présenter nos meilleures découvertes.

Le “Yintah” : un combat perpétuel contre la colonisation

Documentaire Yintah, 2024, Brenda Michell, Michael Toledano, Jennifer Wickham

Nous avons tous des lieux qui nous sont chers, ceux sur lesquels nous imprimons nos souvenirs. 

Que feriez-vous si une puissance extérieure venait les détruire et vous en évincer ? 

C’est ce qu’ont vécu les ancêtres du peuple autochtone “WET’SUWET’EN” qui vivent au cœur de l'État de British Columbia au Canada, qui désigne le “Yintah”. 

Ce documentaire retrace le parcours d’une décennie de deux femmes et de leur communauté. Rythmé par les sons des musiques traditionnelles, les danses et les costumes haut en couleur, le combat des WET’SUWET’EN est ancestral et perpétuel. 

En tant que spectateur nous sommes étrangers à cette culture qui persiste au beau milieu d’un pays mondialisé. Ce film nous permet d’intégrer les répercussions de la violence que leur impose l'État Canadien. 

Leur territoire, vaste ensemble forestier et montagneux de 22,000 km2, a le malheur d’être situé sur la trajectoire gouvernementale de la prochaine pipeline. 

L'asymétrie est colossale entre les quelques centaines de descendants qui revendiquent l’arrêt de ce projet, déclarant que la construction d’une pipeline détruira toute la vie aux alentours en contaminant lacs et rivières. Contre eux, l'État canadien, gouverné par Justin Trudeau et les plus grandes compagnies pétrolières de la planète, leur assènent un attirail de lois, d’avis d’éviction suivis des forces armées. 

Les WET’SUWET’EN, très organisé.e.s répliquent d’abord en faisant usage de la loi, car ces territoires leur ont été cédés officiellement par la Cour Suprême du Canada en 1997. Mais c’est insuffisant pour contrer l’hégémonie des compagnies pétrolières assoiffées par le gain économique que représente ce projet.  

Leur mobilisation prend alors un tournant vers de la désobéissance civile, s’organisant pour multiplier les sabotages, les blocages mais sans jamais user de violence contre les forces de l’ordre.  

Cette résistance est incarnée par deux figures féminines : Tsakë ze’ Howilhkat Freda Huson et Tsakë ze’ Sleydo’ Molly Wickham. Venant de clans différents, l’action menée par l’une est l’écho de celle de l’autre. Toutes les deux se familiarisent avec les confrontations policières se démarquent par leur ténacité inébranlable.  

Tsakë ze’ Howilhkat Freda Huson, en tant qu’avocate a conduit son action jusqu’au niveau international en prenant la parole pour son peuple à l’ONU. 

Ce documentaire immanquable est une immersion émouvante dans la lutte pour ce qu’il y a de plus cher à une communauté :  leur maison temporelle et spirituelle.  

Par Julie Rolland, le 18/05/25

Trésors sauvés de Gaza– 5000 ans d’histoire 

Exposition, Institut du monde arabe, jusqu’au 2 novembre 2025

À Gaza, 94 sites patrimoniaux ont été endommagés depuis le début de la guerre, selon l'Unesco. Tandis que les dégâts dûs aux bombardements s’y multiplient, l’Institut du Monde arabe met en lumière le passé prospère de ce territoire.

Port convoité pour sa position stratégique dans les enjeux égypto-perses, point de passage des commerçants caravaniers et enracinement des richesses de l’Orient, de l’Arabie, de l’Afrique et de la Méditerranée, la bande de Gaza a une histoire riche et complexe. Fondée vers 1500 avant J-C et habitée tour à tour par les Philistins, Égyptiens, Babyloniens, Perses et Grecs, avant d’appartenir à l’Empire Romain durant sa période antique, tous ces passages et modes de vie ont révélé une grande  quantité de sites archéologiques aujourd’hui en péril.

Cette exposition permet de comprendre ce passé grâce aux prêts du Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH), recelant près de 529 œuvres appartenant à l’Autorité nationale palestinienne n’ayant jamais pu retourner à Gaza. Entre mosaïques, amphores, statuettes, stèles funéraires, figurines, et reconstitutions de temples aujourd’hui détruits, le patrimoine gazaoui reprend vie pour ne pas tomber dans l’oubli. La dernière partie de l’exposition, dédiée à la cartographie des bombardements, replace ces objets au cœur des sites recensés et permet d’aborder la question de la sauvegarde du patrimoine en tant de guerre. 


Par Margot Mac Elhone, le 31/05/25


Mr. Nobody against Putin

Documentaire, février 2025, David Borenstein, Pavel Talankin 

“Mr Nobody” désigne un jeune homme d’une trentaine d’années avec un physique plutôt commun et un naturel attachant nommé Pasha Talankin. Il a une passion qui le fait vivre : interagir avec les enfants de l’école dans laquelle il travaille en tant qu’enseignant vidéaste. Pendant de nombreuses années il parvient à divertir plusieurs générations d’adolescents, en créant un espace de liberté dans l’enceinte de l’école.

Mais un événement plutôt impactant vient troubler ce tranquille incipit. Pasha Talankin est un subordonné indirect de Vladimir Poutine, en tant qu’habitant de Karabash, une petite ville de montagne, en plein cœur de la “Russie d’Europe”. 

 Pasha Talankin subit le choc de l’invasion guerrière de l’Ukraine par son propre pays. Au début il est seulement effrayé, puis bien vite la guerre s’immisce dans son quotidien. En tant que vidéaste, il est missionné de filmer l’ensemble des professeurs durant leurs cours afin que les autorités russes s’assurent qu’ils respectent bien le nouveau programme convenu par le gouvernement. Le narrateur relate alors en 90 minutes, les deux ans cruciaux qui ont suivi le début de la guerre. Il révèle avec panache la militarisation progressive imposée par le despote à la tête de son pays et par l’ensemble de rouages politiques et sociologiques complexes que constituent sa dictature.

Peu à peu, lors de ses apéros quotidiens, ses amis se rasent le crâne collectivement. Tous ne parlent que de leur départ prochain, un sourire nostalgique aux lèvres. Pasha Talakin est terrifié à l’idée de servir un gouvernement despotique. Sa première réaction est de démissionner, avec tristesse. Mais, entre-temps, il répond à un appel d’offre d’une société de production d’un média européen et décide d’utiliser sa position à des fins d'espionnage artistique. Il annule sa démission et sort sa caméra pour filmer le moindre événement digne de son intérêt, révélant l’ampleur de la propagande militaire. Ses ambitions non-orthodoxes l’emportent et il se risque à des actions de désobéissance civile, relativement peu impactantes à nos yeux mais gigantesques de signification dans sa société. Certaines personnes de son entourage, surtout les anciens adolescent.e.s devenu.e.s adultes qu’il côtoie encore, font partie de ses rares alliés, mais dans l’ensemble, son monde endoctriné commence à changer d'opinion à son sujet. Et cela n’est pas sans conséquences…

A travers la caméra de ce narrateur, c’est une nouvelle Russie que nous découvrons. La Russie vue à travers les yeux d’un pacifiste, profondément opposé à l’action politique que mène son pays, un homme dévasté par la guerre mais qui choisit de résister. Pasha Talakin réussit à nous dévoiler la beauté de son pays en toute illégalité, la beauté urbaine et naturelle de sa ville mais surtout la beauté humaine, grandement menacée. 

Ce documentaire impactant nous permet de changer de regard sur le peuple russe, dont la position ambivalente, à la fois le bourreau et la victime, demeure trop souvent, pour nous, monolithique. 


Par Julie Rolland, le 18/05/25

« La génération Z vient-elle vraiment “choquer” le monde du travail ? »

Émission À l’air libre de Médiapart , publiée le 29 avril dernier et présentée par Khedidja Zerouali. En présence de 4 invité·es : Laurène Lévy, Enzoreads créateur·ices de contenus sur TikTok, Gaëtan Gracia, ouvrier, syndiqué à la CGT et membre de Révolution permanente puis Florence Ihaddadene, sociologue spécialisée sur les politiques publiques dédiées aux jeunes.

Affrontement plus ou moins violent de personnes ou de choses. Voici ce qui définit le choc.

Alors, à la question « La génération Z vient-elle vraiment choquer le monde du travail ? », la réponse pourrait se borner à décrire une opposition entre les personnes né·es après 1995 et le travail. Des changements idéologiques sont indéniablement causes et conséquences de changements de rapports à la vie professionnelle. Certes, mais la génération Z est-elle pour le travail ce que le pot de terre est pour le pot de fer, en opposition avec celui-ci ? Cette émission Mediapart de la série À l’air libre vient habilement questionner les discours qui se plaisent à porter la flemme et le manque d’ambition comme des vices de cette génération. 

À la croisée entre expériences personnelles et appuis sociologiques, les 4 invité·es rappellent l’importance et parfois la difficulté de faire respecter ses droits de travailleur·euses. 

Et si le découpage des générations paraît être un langage incorporé au vocabulaire sociologique, l’émission appelle à réinjecter de la nuance dans cette uniformisation. Penser par génération, c’est aussi recouvrir la complexité des différences entre individus. 

Voici une belle mise au point à propos d’une génération qui ne laissera pas le travail lui faire sa fête.


Par Marine Fourest, le 17/05/25

Suivant
Suivant

Recommandations culturelles de Mai