Recommandations culture du mois de mars

“Le Roi Lion” : spectacle hors-norme malgré un message un peu trop masculiniste

Comédie musicale

Théâtre Mogador (Paris 9ème), jusqu’au 14 juillet 2024
Metteuse en scène et directrice artistique : Julie Taymor

La comédie musicale Le Roi Lion est spectaculaire, les décors sont magnifiques, les costumes sont des œuvres d’art. Des musiciens sont présents sur place pour assurer le son. Les jeux de lumière sont à couper le souffle. Par exemple, Mufasa est convoqué sur scène après sa mort par l’intermédiaire d’un hologramme. Les acteurs jouent assez bien, notamment les jeunes acteurs qui interprètent Nala et Simba. L’ampleur des moyens déployés est perceptible seulement en assistant à la pièce, c’est un travail de qualité. 

Malheureusement, ces moyens colossaux sont mis au service de l’histoire du Roi Lion calquée fidèlement sur celle de Disney. L’histoire manque donc de subtilité et véhicule un message de valorisation d’une violence patriarcale qui l’emporte sur tout. En dépit des efforts fournis par la metteuse en scène Julie Taymor pour donner au personnage de Nala plus d’envergure, elle demeure uniquement la compagne de Simba qui arrive au pouvoir en écrasant son oncle. Le pouvoir se transmet selon une forme de masculinité humaine incarnée par des lions. L’histoire se déroule dans la savane et utilise les codes de la culture africaine tout en restant assez floue sur l’origine précise du pays représenté. Certains costumes et personnages, notamment Timon et Pumbaa, sont assez grossiers et viennent rompre avec l’harmonie musicale et scénique d’envergure, ils font penser à des déguisements de parc d’attraction.

par Julie Rolland, le 07/02/2024
 

“Calme” : quand Swann Périssé monte sur scène

Spectacle de stand up

Palais des Glaces (Paris 10ème), jusqu’au 30 mars 2024, puis dans toute la France
Humoriste : Swann Périssé

L’humour prend une place importante comme lieu d’expression politique, artistique, émotionnel ou comme espace de contestation publique, de divertissement, de partage. Ce spectacle a tout. A la fois drôle et touchante, Swann Périssé ne cesse de nous faire ressentir une rasade d’émotions puissantes. 

Les thématiques qu’elle traite s’étendent du féminisme à l’écologie en passant par ses expériences multiples, amusantes, choquantes parfois, et émouvantes. Ses fragments de vie peuvent facilement faire écho avec ceux de son public. 

Le spectacle commence par sa voix qui nous annonce les premières parties, qui sont d’ailleurs tout aussi chouettes. La première partie à laquelle j’ai assisté mettait en avant Lou Trottignon, humoriste parlant de transidentité avec beaucoup de simplicité. 

Le spectacle de Swann Périssé traite du thème de la colère, émotion prenant de la place chez elle. Son humour ne passe pas uniquement par le contenu composé d’anecdotes sur sa vie ou les formulations de ses phrases, mais aussi par un comique de gestes, de situations, et des mimiques déformant son visage de manière désopilante. Son travail est très diversifié. 

Swann n’a pas peur de parler d’elle, de ses conquêtes, de ses relations amoureuses et sexuelles, de politique et de militantisme, d’écologie, d’émotions, de la trentaine, de la vie en caravane, de souffrance, de combats, de voyages, de guérison.

Ce spectacle ayant fait l’objet d’un rodage avant sa mise en place officielle et fixe, beaucoup de blagues sont écrites mais nombreuses sont celles qui viennent de l’improvisation. Pour cela notamment, Swann n’hésite pas à interagir avec son public. Elle le remercie d’ailleurs en chanson improvisée à la fin, dans un brouhaha d’applaudissements et de larmes.

Au-delà de la puissance humoristique de son spectacle, elle est bouleversante de sincérité, elle déborde de liberté et semble animée par cette envie de faire rire, toucher, raconter, changer les choses et partager. Vous ne pourrez pas regretter d’aller la voir pour y passer un moment génialement simple et merveilleusement inspirant car oui, cette femme est très inspirante.

Au-delà de son spectacle, Swann Périssé est sur instagram et sur youtube où elle traite aussi de ces thématiques importantes le biais du rite. Elle aborde aussi plus sérieusement la question du voyage qui prend une grande place dans sa vie, et de l’écologie au travers de son deuxième compte qui consiste à aller chez des gens pour mettre en place des initiatives écologiques. 

Enfin, si vous avez raté ce spectacle, elle a aussi lancé son podcast “Y’a plus de saisons” qui traite de la thématique de la crise climatique toujours sur le ton de l’humour et du sarcasme. Ses invités, spécialistes de l’écologie, sont tous plus passionnants les uns que les autres. Il est possible d’assister publiquement à ce podcast qui se déroule dans diverses salles parisiennes. Sinon, il est aussi disponible sur youtube.

par Lison Guilcher, le 20/01/2024
 

“Les animaux dénaturés” : une réflexion sur la nature humaine

Livre

Auteur : Vercors
Publication : 1952

Si vous vous questionnez sur la nature de l’Homme et sa difficile distinction avec celle des animaux, ce livre vous passionnera. Entre thriller juridique et essai philosophique, il interroge avec justesse l’incapacité des Hommes à se définir. 

C’est quoi être un humain ? Comment se distingue-t-on des animaux ? Et pourquoi serait-ce si important de vouloir s’en distinguer ?

Le livre commence sur une découverte archéologique d’une espèce encore vivante mêlant les caractéristiques humaines et celles des grands singes les ayant précédés. Des gérants du textile souhaitent les exploiter à des fins de production : si ce sont des bêtes, pourquoi s’en priver ? Mais si ce sont des humains, hors de question. L’action du personnage principal pour mettre le débat sur la scène publique est alors le cœur du livre et mène à la bataille juridique qui s’ensuit, faisant intervenir des experts en tout genre, faisant trembler les opinions publiques. Ce livre vient titiller nos caractères prédateurs sur cette planète. Selon l’auteur, nous ne sommes ni plus ni moins que de simples “animaux dénaturés”.

par Lison Guilcher, le 04/03/2024
 

“HLM Pussy”

Film

En salle dans toute la France
Réalisatrice : Nora El Hourch

Avec “HLM Pussy”, le tout premier film de Nora El Hourch, on passe de victime à héroïne. Le film met en scène Amina, Djeneba et Zineb, 3 amies d’enfance qui ont grandi en banlieue. Oscillant entre insouciance, innocence et espoir, tout bascule le jour où les deux premières décident de filmer l’agression de Zineb, par un garçon de son quartier et de publier la vidéo sur Instagram.

Sortie quelques jours avant la journée de la femme du 8 mars, cette œuvre cinématographique met en avant des revendications féministes. En donnant la voix aux jeunes filles de banlieue, El Hourch ne rentre jamais dans les clichés, elle expose au contraire une vérité et une urgence d’action.

Malgré quelques maladresses, on s’attache aux personnages grâce aux jeux des trois interprètes, qui dépeignent une multitude d’obstacles bien réels qui parsèment le chemin de l’émancipation féminine. Entre autres, l’ancrage patriarcal, les inégalités et la lutte de classe, l’impact des réseaux sociaux, la zone grise du consentement ou encore, l’injonction au silence et à la honte.

S’insérant dans une réalité contemporaine à travers des dialogues et des situations réalistes, le film questionne les relations familiales tout en dénonçant un “white feminism”, représenté à l’écran par l’innocence de Leah Audebert, Amina, et la difficulté de jongler avec une double culture.

Porté par ce trio, non sans rappeler celui de Divines ou du groupe de Bande de filles, le long métrage s’éloigne du classique film de banlieue en explorant par accumulations des sujets de société très sérieux. Oui, le titre fait parler, oui certains procédés sont gauches mais avec son film, El Hourch parvient à ériger la sororité comme concept ultime de réunion et de rassemblement pour les femmes.

La fin n’est pas amère, au contraire, la réalisatrice préfère orner son œuvre de complicité et d’espoir puisque HLM Pussy, c’est un film important qui porte à l’écran une critique nouvelle, sur un pendant du #MeToo qu’on a tendance à invisibiliser.

par Awa Touré, le 06/03/2024
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