Guerre israélo-palestinienne: quels intérêts pour la Russie ?

Aujourd’hui, la guerre israélo-palestinienne fait régulièrement la Une des journaux. Cette omniprésence dans l’actualité contraste avec le retrait de la guerre en Ukraine de la scène politique comme médiatique, et sert ainsi le jeu de Poutine. 

Le président russe Vladimir Poutine vu sur un écran au Centre national des congrès de Chine, à Pékin, le 18 octobre 2023. ANDY WONG / AP

Un intérêt médiatique pour Poutine 

À la télé comme à la radio ou dans les autres médias, la guerre en Ukraine ne fait plus les gros titres. C’est la guerre israélo-palestinienne qui les occupe maintenant. L’Ukraine semble s’effacer progressivement alors même qu’il y a un an, le président ukrainien Zelensky était dans tous les esprits. En 2022, Zelensky fait par exemple l’ouverture du festival de Cannes en tant qu’invité surprise. Cette année, son absence est à peine notée. L’année dernière encore, le très reconnu Time magazine désignait Zelensky comme la personnalité de l’année. En 2023, c’est une personnalité à l’extérieur du champ politique qui en a reçu le titre: Taylor Swift. Ce retrait ukrainien de la scène médiatique n’est pas seulement subi, il est aussi en partie volontaire de la part des autorités ukrainiennes. Zelensky en a conscience, après plus d’un an de guerre, ses apparitions médiatiques n’ont plus la même réception dans l’opinion publique que l’année passée. Un accueil sous les ovations des parlementaires américains comme il en a connu en 2022 ne se reproduira pas de si tôt. 

Or ce détournement de la guerre en Ukraine pour la guerre israélo-palestinienne sert à une personne en particulier: Vladimir Poutine, qui a annoncé il y a peu à la chaîne de télévision d’Etat Rossia 24, se porter candidat pour les élections présidentielles de 2024. 

Stratégie russe : une incitation au détournement

Auparavant, la Russie tenait une position diplomatique ambivalente entre les Etats arabes et Israël. Aujourd’hui, cette ambivalence n’est plus et la Russie affiche clairement son soutien à la Palestine contre Israël. Le 10 octobre, Vladimir Poutine a appelé à la création d’un État palestinien. Le 13, il effectue une comparaison hyperbolique entre le siège de Gaza et celui de Leningrad par les nazis entre 1941 et 1944. Si le Kremlin affiche aussi clairement son soutien à la Palestine, ce n’est pas par empathie mais par calcul politique. Comme le stipule Le Monde, la guerre israélo-palestinienne appuie son discours de décrédibilisation de “l’Occident collectif”, qui défendrait l’Ukraine face à l’invasion russe, mais soutiendrait Israël dans la prise de Gaza. Cette dénonciation de l’hypocrisie occidentale sert ses intérêts en Ukraine, mais aussi sur la scène internationale en renforçant un bloc anti-occident. L’accueil d’une délégation du Hamas et du ministre des Affaires étrangères iranien à Moscou le 26 octobre dernier marque cette image d’un bloc anti-occidental. L’affirmation de Poutine que les conflits dans le monde renforce l’axe Pékin-Moscou lors du troisième Forum de la ceinture et de la route organisé par Xi Jinping en octobre 2023 s’inscrit là encore dans cette stratégie. 

Par cette consolidation de l’idée d’un bloc anti-occidental, Moscou cherche à montrer qu’elle est sortie de l'isolement international imposé par l’Union européenne et les États-Unis. La chercheuse de l’Institut français des relations internationales Tatiana Kastouéva-Jean confirme au Monde que la guerre israélo-palestinienne est “une aubaine pour Moscou qui a l’espoir de sortir de son isolement sur la scène internationale”. La guerre israélo-palestinienne est donc utilisée par Poutine, tel un outil, afin de servir ses propres intérêts. 

La guerre israélo-palestinienne participe-t-elle à un essoufflement du soutien pour l’Ukraine ? 

Le 30 octobre 2023, dans un entretien pour le Time magazine, Zelensky affirmait que “le plus effrayant  c’est qu’une partie du monde s’est habituée à la guerre en Ukraine”. Ces paroles corroborent les statistiques de l’Institut allemand Kiel. Selon ses chercheurs, le soutien envers l’Ukraine aurait diminué de 90% en un an. La guerre en Ukraine n’est plus aussi présente dans les médias, et donc dans l'opinion publique, remplacée en partie par le conflit israélo-palestinien. Le refus du Sénat américain de voter une enveloppe de 106 milliards de dollars qui prévoyait, entre autres, une aide financière à l’Ukraine reflète cette image d’un essoufflement progressif…Celui-ci pourrait même être définitif si Trump, qui affirmait être capable de régler le conflit ukrainien en une journée par des négociations avec Poutine, fait son retour au pouvoir en 2024. 

Une prophétie auto-réalisatrice dans l’intérêt de Moscou

En réalité, l’idée d'essoufflement du soutien envers l’Ukraine qui apparaît régulièrement dans les médias devrait être questionnée. Le simple fait d’en parler renforce cet essoufflement, à l’image d’une prophétie auto-réalisatrice, et sert les intérêts de Moscou. Le Kremlin cherche justement à accentuer cette idée. La déclaration du porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, qui relevait “la lassitude du soutien complètement absurde du régime de Kiev” ne fait aucun doute sur les intentions de la Russie. 

Parler régulièrement d'essoufflement du soutien occidental pour Kiev doit donc être questionner. Même si ces déclarations s’ancrent dans une logique de transparence des médias qui en font directement l'observation, ces constats répétitifs ne sont-ils pas aussi du pain béni pour la Russie ?  




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