« Altérité », un EP introspectif et prometteur

Le 23 avril dernier, le rappeur Aga, de son vrai nom Hugo, né à Roubaix et vivant à Montreuil, sortait son EP Altérité . Un projet introspectif où le rappeur se cherche. J’en ai donc profité pour discuter avec ce dernier de lui et de ses quelques projets. D’origine portugaise, il habite en région parisienne depuis 6 à 7 ans. À Montreuil, il rencontre Clifto Cream, un artiste de là-bas, avec qui il partage la direction artistique de ses projets.




Quand t’es-tu lancé dans le rap ?


« Je me suis lancé professionnellement dans le rap en 2019, mais j’écrivais déjà un peu avant parce que je recevais déjà du soutien de rappeurs ou de gens qui tenais une radio. J’ai sorti Graines, mon premier EP en juin 2019, et ça m’a permis d'acquérir de l’expérience, surtout parce que je suis super investi sur tous les plans quand je réalise un projet, et que je cherche pas qu'à faire du rap. Pour l’instant je gagne pas ma vie grâce au rap, j’ai un travail dans la santé mais c’est alimentaire. Mais dès que c’est possible, que je pourrais en vivre, je me mets à 100% dedans. »

Pourquoi le surnom « Aga » ?


«” Aga” ça vient du portugais à la base. Je m’appelle Hugo et le “H” se prononce “Aga”. Et j’ai pleins de potes qui m’appelaient juste “H”. J’ai gardé “Aga” du coup. En plus j’ai pas mal détourné pour rigoler, parce que ça peut aussi dire “attribution gratuite d’action”. Le seul problème c’est qu’il y a une chanteuse coréenne qui s’appelle aussi “Aga” sauf qu’elle fait des millions de vues. » raconte-t'il en rigolant.


T’as eu l’occasion de faire quelques scènes ?


« J’ai pu faire un petit concert à La Pêche (un café avec une scène) à Montreuil, et j’ai pu inviter 20 personnes et j’ai invité que des professionnels de la musique. Sinon j’ai aussi participé à des festivals indépendants, comme le Hybride Festival à Igny, ou le Mur à Pêche à Montreuil. J’ai aussi fait quelques dates à Paris et à Montreuil dans des bars. Ça m’a rendu fan de la scène. J’aime beaucoup le studio mais la scène c’est très différent. »

Est-ce que t’as eu des mauvaises expériences ou ça s’est toujours bien passé ?


« J’ai eu aucune mauvaise expérience pour l’instant. J'ai eu pas mal de bons retours. Et aujourd’hui j’apprends des trucs pour être plus à l’aise sur scène. Je me filme pour m’entrainer. Je suis un éternel élève, parce que je m'entraîne beaucoup. J’essaye de bien faire mes répétitions comme ça j’ai aucun regret. »



Quelles sont tes sources d’inspiration ?


« Ce qui m’inspire c’est la vie en général je pense, et très ancrée dans le militantisme. Surtout que je suis dans un milieu militant. Roubaix est une ville assez pauvre. J’ai toujours évolué dans un contexte de militantisme que ce soit grâce à ma famille ou mes amis, parce que on ne cache rien, on n'a rien et on fait plein de grandes choses.


Sinon, quand j’étais petit j’écoutais Jacques Brel mais surtout Gainsbourg. J’aimais beaucoup sa musique et ses textes. Et j’écoutais aussi la Sexion d’assaut, la 75e session et l’Entourage, parce que c’était pour moi un renouveau de la scène française et ça faisait beaucoup de bien. Et j’ai aussi beaucoup écouté Népal, qui était et est toujours, pour moi, un des meilleurs rappeurs de sa génération, et j’ai pas eu le temps de le rencontrer malheureusement. J’aimais autant sa musique que son personnage. Mais sinon je suis influencé par le jazz mais plus dans l’aspect chant ». En effet, Aga a un véritable amour des mots et écrire est pour lui un besoin, un exutoire. Il est aussi influencé par le fado, un style de musique portugais. « Ça existe depuis longtemps, et t’as besoin que d’une guitare et d’une voix, et tu racontes ta vie. Généralement, à la fin des concerts de fado, tout le monde pleure. C’est très solennel. Ça peut faire penser à du rap. J’aimerais bien en faire ». Par ailleurs, on peut retrouver dans les textes et la production d’Aga un côté assez planant. « J’aime toutes les prods, tant qu’elles m’inspirent. Le producteur de Graines, est belge et était peut-être influencé par Le Motel. Et parmi les projets qui sortent cette année, y’aura du cloud, un peu d’électro. Je me pose pas de limites. Si ça me parle, j’y vais ».


Comment fais- tu quand tu collabores avec des gens ? Comme Warlock ZK pour Doca C par exemple.


« Pour la prod de Graines par exemple, c’était un producteur belge que j’ai contacté. J’aime bien cette approche. Pour les prods electro c’est des potes du 91. Pour moi le contact est important. J’aime bien mettre de l’humain dans le projet. Avec Warlock on a bossé le projet de A à Z ensemble. Je l’ai ramené au port à Porto et dans le village de ma mère. Et l’histoire derrière Doca C est incroyable. On est parti en été au Portugal pour peaufiner le projet. À un moment, on décide d’aller à Porto pour dormir sur un bateau. Puis on rentre au village où on est en famille, et un oncle joue de la guitare du coup du coup on a fait un peu de fado. Le soir même, mon père tombe de 4 mètres et se fracture la colonne vertébrale (il va bien aujourd’hui). Le gros problème c’est que le village est au milieu des montagnes portugaises donc c’était compliqué de joindre une ambulance. Finalement il est pris en charge et tout va bien. On est rassuré et tout. Puis on se rend compte qu’il nous faut un nom pour le projet. Du coup on réfléchit et je me dis ça serait bien qu’il y ait un lien avec le lieu. Et en fait, quand on a dormi sur le bateau, on était sur le quai C, et quai c’est “doca” en portugais. Et c’était super cohérent avec l’incident, donc pour la pochette on a mis la radio de mon père. ».




Dans Mes songes, tu commences par “Ma vie n’est plus dénué d’sens” : Pourquoi ? La musique a donné un sens à ta vie ?


« Quand j’ai écrit ça je m’installais à Montreuil, et j’ai rencontré toute mon équipe, tout ce qui croyait en moi. Je pouvais enfin me lâcher. Donc ouais, la musique a fait ça. ».

J’ai l’impression que dans tes textes tu te remets beaucoup en question.


« Je me remets constamment en question, et j’écris pour comprendre. “Altérité” sort à l’aube du printemps, et c’est composé de tous les textes où je me remets en question, par rapport à ma vie et à ce qu’on vit. En hiver on hiberne, et c’est là qu'il y a beaucoup d’introspection. Ce projet c’est une grosse remise en question. Mais pour le projet de cet été par exemple, ça sera des textes ou j’ai beaucoup plus de confiance, je parle plus de la beauté de la vie. À la fin de l’année, il y aura un troisième projet où je suis plus assuré et beaucoup plus militant et sûr de soi. Je veux créer un gros projet chronologiquement logique. Mais pour se remettre en question, l’amour c’est trop important, que ce soit de manière dérisoire ou sérieux. Et pas mal la famille aussi. Aga est plein d’amour. Je suis quelqu’un de bienveillant. Je règle les conflits, je m’énerve rarement. Et je suis content d’être comme ça aujourd’hui, mais c’est grâce à une grosse remise en question. ».

Est-ce qu'Aga et Hugo sont deux personnes distinctes ?


« C’est une seule et même personne, mais Aga c’est un Hugo 2.0. Sur scène c’est plus Aga. C’est un Hugo avec plus de confiance. Et mes potes m’appellent encore plus aga vu que j’ai des potes maintenant qui s’appellent Hugo. Mais l’un et l’autre s'influencent. Pour le clip Uuuu, je me poursuis moi-même. Y’a 2 personnages et c’est une course poursuite, qui reflète un peu deux facettes : l’une plus énervée et l’autre un peu c’est plus un grand con qui me correspond plus parce que je suis quelqu’un de calme. C'est des facettes de moi que j’ai poussé ».

T’es passé sur le règlement radio, qu’est-ce-que ça t’a apporté ?


« À chaque fois que je sors quelque chose je l’envoie partout où c’est possible. Du coup j’ai pu passer sur la Règlement Radio et ça m’a permis de me faire connaître un peu, et ça m’a donné pas mal de confiance ».


Des projets en prévision ?


« Du coup j’ai un projet cet été et un en fin d’année, qui avec “Altérité” vont former un ensemble chronologique, qui vont être le fruit d’un an et demi de travail. Mais cette année est une grosse année. J’ai pleins de trucs à faire et je travaille sur pleins de trucs. Je bosse déjà sur la suite ».




Aga est donc un artiste plein d’ambition et talentueux. Réfléchit, il prépare la suite de sa carrière méticuleusement. Il nous invite aussi à être introspectif, à travers des titres comme “Bipolaire”, et ses textes dans lesquels tout le monde peut se reconnaître.


Allez donc jeter un œil à ses projets, notamment le clip de “Pas les mêmes” sorti très récemment, et suivez le bien à l’avenir.


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