Obey ou l’histoire d’une marque engagée

N’avez vous jamais vu, au détour d’un panneau, sur un polo ou encore dans une exposition d’art moderne, se dessiner le visage de Andre The Giant, figurant sur le logo de la marque Obey? Mondialement connue depuis 2001, la marque de streetwear est devenue le symbole d’une jeunesse unie, d’un dialogue entre plusieurs générations disparates et d’adolescents aux milieux sociaux variés. Si vous ne savez pas encore quelle est l’histoire de la marque Obey et qui se cache derrière le pochoir du groupe, vous trouverez vos réponses dans cet article.




Nous sommes au milieu des années 80, Shepard Fairey à 14 ans. Issu d’une banlieue bourgeoise de Charleston en Caroline du Sud, cet adolescent découvre le skateboard, les graffitis, la culture punk et les groupes de rock des années 80: AC/DC, The Cure, ou encore Guns N’ Rose. Le monde du skateboard et ses alternatives l’ont amené à découvrir l’art contemporain, confirmant son goût pour le dessin et les collages.

En s’inscrivant à l’école de design de Rhode Island, Shepard évolue dans un cadre qui confronte sans cesse le modèle moderniste, et aime à se définir comme underground: c’est celui du Street Art.


Avec sa bande d’amis, inspirés de la contre-culture américaine, Shepard dessine des visuels pour des planches de skate, et s’inspire des pochettes de groupes punk pour se former un style précis, comme celles des Sex Pistols, réalisées par Jamie Reid, mais aussi d’artistes contemporains comme Andy Warhol et Jasper Jones.



En 1989, c’est la première défaite depuis 15 ans d'André The Giant, catcheur français devenu iconique pour ses 2m14 et 235 kilos. Afin de lui rendre hommage, Fairey imagine un autocollant prônant le slogan “André the Giant has a Posse” (André le géant a une bande de potes).

Ceux qui le collent semblent donc appartenir à cette bande, la bande des vaincus, une génération ayant soif de compréhension, de rébellion et d’art.


Le commerce des autocollants d’André devient immense. Fairey dira dans un court-métrage réalisé pour Obey:


“Cette mode a commencé à être une sorte de phénomène underground où des gens que je ne connaissais même pas venaient me voir et demandaient si j'avais d’autres autocollants d’André The Giant”.


Plus qu’un simple soutien au catcheur, l’autocollant d’André, imprimé des milliers de fois, est la naissance d’une poignée de main gigantesque et mystérieuse entre les membres d’une même subculture. Le commerce doit s'arrêter car la marque “André The Giant'' est déjà déposée. Et c’est à ce moment que naît OBEY.



Le logo de Obey est inspiré d’une scène célèbre du film américain They Live, paru en 1989 aux Etats Unis. Dans cette satire, John Nada, le personnage principal, voit à travers ses lunettes de soleil le monde tel qu’il est réellement, et le contrôle capitaliste auquel il doit se soumettre. Sur les affiches, dans les magazines, à la télévision, il est ordonné d’obéir (Obey). La combinaison du visage d’André et de la phrase “Obey” deviendra le logo créé par Fairey. Collé n’importe où, le nouveau stickers d’Obey deviendra un appel à lire entre les lignes, à voir le monde d’une nouvelle manière.

Fairey n’aimait pas cette idée que les espaces publics sont souvent réservés aux publicités et aux signaux gouvernementaux et tout le reste devient une anomalie dans la ville. Si l’autocollant vu d’un mauvais œil par des passants conservateurs fut parfois arraché, il fut collé, photocopié, photographié, et se propagea dans toutes les grandes villes américaines.



Fairey développe son style de graphisme en mélangeant des images banales, souvent liées aux problématiques sociales le préoccupant, et liées avec un montage coloré et significatif. Les couleurs cohésives et les motifs de perspective deviennent sa marque de fabrique. Si le textile est un support phare de l’essor d’Obey, introduisant la marque de streetwear au milieu des créateurs de mode, son authenticité se retrouve surtout dans ses affiches et ses œuvres murales. C’est d’ailleurs de cette façon que la marque se politise. Résolument engagé, Shepard Fairey, avec le soutien du collectif Post Gen, réalise une campagne “anti-war” et “anti-bush” à travers une série d’affiches caricaturales appelant à la remise en cause du système politique. On y retrouve l’iconographie des graphismes américains de la guerre froide et même ceux des “roaring twenties”.


En 2008, la gloire de Obey est à son apogée. Exprimant sa déception pour le mandat de Bush, le visage d’Obama sera son prochain projet, accompagné des simples mots “hope”, “change” ou encore “progress”. Le succès des affiches est international, elles font la Une du quotidien démocrate Time, et deviennent le visage de la campagne d’Obama.


Aujourd’hui, la marque continue de se propager dans le monde entier, comme une preuve insolite d’un street art émergent dans la mode et remet toujours en cause les dysfonctionnements sociaux à travers des œuvres visuelles évocatrices.

Lou

Crédit photographique: grapheine.com


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