Recommandations du mois de novembre

Comme tous les mois, Weshculture vous partage ses coups de cœur dans l’actualité culturelle. informe de l’actualité culturelle variée de la capitale afin de vous présenter nos meilleures découvertes.

Le Fantôme de l'Opéra - Gaston LeRoux

N’importe qui, franchissant les portes du Célèbre Opéra Garnier en cette soirée de fête,aurait compris que quelque chose n’allait pas. Au milieu des va-et-vient des ouvreurs.euses de porte et des murmures incessant des danseur.seuse.s, la panique vous gagnerait sûrement aussi en comprenant le cœur des préoccupations : un meurtre.

Mais pourquoi tout le monde semble déjà persuadé de l’identité du criminel ? Mais plus étonnant encore, pourquoi tous, accusent-ils un fantôme ?

En franchissant les portes de ce qu’allait devenir leur nouveaux bureaux, les directeurs nouvellement nommés à la direction de l’Opéra ne s’attendaient certainement pas à devoir répondre aux demandes et humeurs d’une sois disante entité fantomatique qui ferait régner la terreur au sein de leur employé.e.s. 

Par ailleurs, ils sont bien décidés à découvrir qui se cache derrière cette risible mascarade. 

De son côté, le comte Chagny retrouve son amour d'antan, Christine Daaé. Submergé par la passion et la nostalgie, son bonheur sera néanmoins de courte durée en réalisant que d’une part, elle ne le reconnaît pas, mais que pire encore, son esprit semble déjà occupé par la présence d’un autre homme. Bien décidé à reconquérir son cœur, le comte s’engage, sans le savoir, dans un triangle amoureux dépassant la limite de ses croyances.  

Au travers d’un narratif fantastique et envoûtant au point de vue narratif multiple, Gaston Leroux nous entraîne dans un univers où l'amour et l’horreur s'entremêlent. 

Mais dans un récit classique, où la place est majoritairement laissée aux hommes, c’est le personnage féminin de Christine Daaé qui retient nôtre attention.

Chanteuse au sein de l’Opéra et amour d’enfance du compte Chagny, elle incarne bel et bien les stéréotypes de la femme du début du XXe siècle, dépossédée de son destin et ne vivant qu’au travers les hommes de sa vie.

Même son talent et le mérite de son ascension professionnelle au sein de l'opéra lui sont dépossédés, attribués à l’intervention d’un mystérieux professeur dont on ne connaît pas la nature des intentions.

Si l’auteur nous dépeint le portrait d’une jeune femme douce et sentimentale, le récit révèle progressivement un personnage bien plus complexe. Capable de tout pour atteindre ses objectifs, même si cela signifie renoncer à sa santé et à son intégrité, Christine n’hésite pas non plus à user de ruse et de mensonges pour se protéger et venir en aide à ses proches. 

Finalement, ce personnage, nous interroge sur l’ombre et la lumière qui fondent la dualité humaine : que serions-nous prêt.e.s à faire pour ce qui nous semble juste ?


Par Adèle Chalom-Corbé

Soundtrack to a Coup d’État, un documentaire réalisé par Johan Grimonprez, en salle depuis octobre 2025.

À travers un remarquable travail de montage d’images d’archives et une bande-son envoûtante, le réalisateur belge Johan Grimonprez revient sur la décolonisation du Congo au cœur de la Guerre Froide, entre la fin des années 50 et le début des années 60. Il y dévoile le rôle des puissances occidentales (la Belgique, les Etats-Unis et les Nations Unies) dans l’assassinat de Patrice Lumumba, premier président du pays élu démocratiquement, et montre comment le jazz et ses figures afro-américaines furent instrumentalisés à des fins diplomatiques pour dissimuler ces manœuvres politiques.

Le film dresse une fresque politique, sociale et culturelle des années 1960, entre luttes d’émancipation antiracistes et décoloniales et affrontements géopolitiques, tout en traçant des parallèles saisissants avec les formes contemporaines du néocolonialisme encore à l’œuvre en RDC (République démocratique du Congo), notamment l’exploitation des matières premières par les grandes multinationales. 

Un documentaire d’une intensité rare, rigoureux, bouleversant et nécessaire.

Par Elise Ignamout Kalhas

Sirat de Oliver Laxe : danser au bord du gouffre. Un film d’Oliver Laxe, en salle depuis septembre 2025. 

En salle depuis le 10 septembre 2025, Sirat d’Oliver Laxe entraine le spectateur au creux des montagnes du sud marocain, dans un désert où les corps vibrent encore, malgré tout. Road movie mystique, Prix du Jury à Cannes en 2025, le film fait de la fête une arme contre le désespoir. Sirat, célébration de la transe comme dernier acte de résistance.

Un monde post-apocalyptique 

Dès la première scène, Sirat annonce la couleur d’un monde consumé. Les montagnes de l’Atlas ainsi que les étendues minérales de Mauritanie, décor puissant du film, évoquent une planète à bout de souffle. Sirat s’inscrit dans un contexte géopolitique dévasté, celui d’une troisième Guerre Mondiale qui menace de rayer l’humanité de la carte. Mais dans ce cataclysme silencieux, quasi invisible, le désert n’est pas seulement ruine. Il est aussi un refuge, un lieu spirituel, un seuil à franchir. Ce territoire vide devient le miroir des personnages : Luis le père à la recherche de sa fille perdue, et Estéban le fils, qui suit le mirage, ainsi que cette communauté de survivant·es, cette étrange famille recomposée qui tente de trouver un sens à leur odyssée. Le titre, Sirat, fait écho à la religion islamique, un pont suspendu au-dessus des Enfers, plus fin qu’un cheveu et plus tranchant qu’une épée, que chacun·e doit traverser. Toute la mise en scène repose sur cet équilibre précaire, cette marche au bord du gouffre. Laxe filme des corps en errance, des êtres sans repères, avançant à l’aveugle dans un territoire déserté. Luis et Esteban suivent des inconnu. es sans savoir où iels vont, franchissent des zones interdites, se perdent dans un espace à la fois physique et moralement incertain. 

La transe comme message de résistance 

Au cœur de ce néant, surgit la fête. Sous un soleil de plomb, des silhouettes se rassemblent, des enceintes vibrent, la poussière se soulève. La musique, signée Kangding Ray, pulse dans les corps comme un souffle vital. La rave, chez Laxe, n’est pas une échappatoire : c’est un cri. Une manière de dire « nous sommes encore là ». cette musique, elle transporte. Elle étouffe. Elle enveloppe. La rave devient un espace paradoxal, c’est un lieu de liberté, d’oubli, mais aussi de survie. 

À mesure que les basses s’intensifient, la fête se mue en rituel. La transe n’est plus fuite, elle devient acte de résistance. La transe devient alors un langage, une façon d’habiter le chaos. Les danseur·euses forment une masse mouvante, presque primitive, où les identités se dissolvent. Iels dressent contre le désespoir d’un monde épuisé, contre la peur et le silence. Leur lutte est multiple : écologique, politique, existentielle, intime. Dans un temps où l’on contrôle les corps et où l’avenir se consume, iels répondent par le mouvement, par la musique, par la lumière. Chez Laxe, danser, c’est refuser de disparaître. 

Un Mad Max mystique

En filmant cette humanité errante, Oliver Laxe réinvente le Road movie. Sirat emprunte à Mad Max (George Miller, 1979) sa poussière et ses ruines, mais en inverse la logique : ici, la vitesse ne mène nulle part. Le périple, plus que la destination, devient passage. La force de Sirat tient dans sa capacité à conjuguer douceur et violence. La mise en scène capture la rugosité du monde en déployant une beauté plastique, quasi irréelle. Ce contraste constant, l’excitation et le deuil, le collectif et la solitude, la vie et la mort, fait de Sirat une expérience rare en salle. Dans un monde saturé d’images de guerres, d’effondrements, ce film rappelle que le geste artistique peut encore être un geste de vie. Danser, bouger, contempler, ce sont peut-être des formes de prière. Une manière de dire “ le monde brûle, mais nous sommes encore là”.

Par Solen Ramirez


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L’intermittence du spectacle, liberté, égalité et durabilité ?