Loba, l'art au service de la cité

C’est un lieu d’engagement, d’espérance et de conviction. C’est un lieu qui porte une volonté de réinvention. Il abrite une cinquantaine de structures regroupées autour d’un même but : faire progresser les droits des femmes. Il s’agit de la Cité audacieuse créée à Paris par la Fondation des femmes. Au première étage de cette fourmilière d’idées, les bureaux de l’association Loba.

© Recreationbyloba.com

L’art comme outil de transformation sociétale

Créée en 2007 par deux jeunes danseurs, Bolewa Sabourin et William Njaboum, l’association dont le nom signifie « parle » en lingala est animée d’une volonté politique et sociale. Cherchant à sortir de l’aspect contemplatif de la danse, ils souhaitent utiliser l’art comme un outil de transformation sociétale, un art rassembleur et unificateur. En mettant l’art au service de la cité, ils transforment l’activisme en ARTivisme. Jusqu’en 2016, Loba était une association dans laquelle les deux créateurs donnaient des cours de danse (hip-hop et danses congolaises). Une rencontre l’a fait basculer dans un nouveau projet et un nouvel engagement.

Cette rencontre, c’est celle de Bolewa Sabourin et du gynécologue-obstétricien Prix Nobel de la paix, Denis Mukwege, lors d’une conférence à Paris. Denis Mukwege a fondé un hôpital (Hôpital de Panzi) et une fondation (Fondation Panzi) au Congo dans le but de réparer les femmes victimes de violences sexuelles utilisées comme crime de guerre en RDC. Réparer ces femmes physiquement, car il s’agit bien de cela, mais aussi spirituellement.

Bolewa Sabourin s’envole alors pour le Congo, décidé à mettre son art au service de ces femmes. De cette expérience, naîtra le projet “Re-Création”.


Alors qu’une aide psychologique n'est, justement, pas concevable dans la culture locale, Denis Mukwege organise dans sa fondation des cours de chants dont il observe qu’ils aident à libérer la parole et l’esprit de ces blessées de guerre. Bolewa Sabourin s’envole alors pour le Congo, décidé à mettre son art au service de ces femmes. Il observera alors qu’en effet, la danse agit comme un libérateur sur les corps et les esprits de ces femmes. Il reviendra en France décidé à construire un modèle thérapeutique mené par un duo de danseurs et de psychologues/thérapeutes pour animer des ateliers de libération et de reconstruction.

C’est le projet Re-Création.

William Njaboum et Bolewa Sabourin, © Recreationbyloba.com

Une réappropriation du corps pour libérer l’esprit

Qu’ils s’agissent de mots, de regards, de coups ou de violences sexuelles, les violences physiques contraignent l’esprit. Elles modifient le regard porté sur soi et l’histoire racontée par le corps en mouvement. Alors, pour réussir à vivre avec ce corps contraint, contenu, renié et blessé, il faut passer par une réappropriation de soi. Il faut accepter de sentir, de ressentir et accepter la joie procurée par ces sensations.

Les ateliers commencent généralement en cercle, signe d’inclusion, où chaque femme propose un geste ensuite répété par les autres. Ce qui est perçu comme terriblement intimidant (et l’est profondément) permet en réalité de prendre conscience de la richesse de notre esprit et de notre corps et de ce que notre esprit peut transmettre à notre corps. L’exercice permet de s’affirmer devant les autres et devant soi.

Si la danse agit comme un briseur de glace entre les corps, elle agit aussi comme un libérateur à la fois du corps et de l’esprit. L’atelier de danse est en effet suivi d’un temps de parole avec un thérapeute au cours duquel les femmes réussissent à s’ouvrir et à partager leurs histoires. C’est du moins le retour qu’elles donnent dans le podcast créé par l’association, Dans ses mots.

Si la danse agit comme un briseur de glace entre les corps, elle agit aussi comme un libérateur à la fois du corps et de l’esprit.

Loba cherche aujourd’hui à théoriser ce modèle afin de pouvoir le partager, former plus d’intervenants et permettre la libération d’autant de femmes et d’hommes que de blessés. Pour les femmes passées par ces ateliers, c’est une renaissance. C’est une nouvelle manière d’habiter leurs corps et de le présenter au regard des autres. C’est une prise de conscience de ce qu’incarne le corps dans des situations différentes.

L’association Loba a été pensée selon trois buts et principes : libérer (la parole), connecter (les individus les uns aux autres) et transcender.

Il semblerait que toutes les femmes qui sortent de ces ateliers rayonnent de vie. La transcendance semble donc accomplie. Espérons que les lieux comme la Cité audacieuse où réside l’association Loba se multiplient et les raisons d’être de ces associations diminuent.

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