L’éducation des enfants à travers le temps ( 1 ) : Être un enfant dans la Sparte classique


Dans nos sociétés occidentales, l’éducation des enfants est un sujet relativement débattu. Qui n’a jamais trouvé qu’un camarade de classe était mal-élevé ou n’a jamais trouvé que ses amis étaient mieux lotis par ses parents que lui ?


C’est assez paradoxal puisque nous vivons et avons tous grandi dans un relatif confort, donné par la société et l’époque dans laquelle nous vivons. Certaines cultures, européennes ou non, ont une vision différente de celle que l'on peut avoir en France. Mais, cela ne varie bien souvent que de quelques règles, ou de différents degrés sur certains points dans une éducation globalement générale et admise inconsciemment. Malgré cela certains vont trouver que telle manière d’éduquer son enfant est trop laxiste ou au contraire trop sévère. Même les enfants ne sont pas d’accord et reprochent bien souvent à leurs parents la manière dont ils les traitent. Au contraire, forcé de constater que, dans certains pays au mœurs plus conservatrice, à l’éducation plus sévère (comme il était d’ailleurs de mise en France au siècle dernier) ces débats demeurent assez anecdotiques voire inexistants.


En partant de ce constat, et des débats que l’on peut voir sur ce sujet en 2021, je vous propose de partir voyager dans le temps à travers une série d’articles dans lesquels vous êtes invités à découvrir comment grandissent les enfants de différentes époques… Et nous commençons notre tourisme temporel en Grèce Classique et plus précisément à Sparte, qui vous le verrez, avait un système éducatif pour le moins… original. Après cela vous ne vous plaindrez plus jamais de ce jour où on vous a mis au coin et du soir où vos parents vous ont interdit de sortir. Si vous êtes prêts, alors on part maintenant !

Avant de vraiment rentrer dans le vif du sujet, nous allons d’abord comprendre où nous nous situons et surtout quand. Nous sommes donc entre le Vème et le IVème siècle avant J.C, à Sparte, cité du Monde Grec continental, que l’on ne présente plus tant elle fait partie de notre culture populaire. Malgré cela, la cité lacédémonienne reste en réalité assez méconnue des historiens ; les sources la concernant sont peu nombreuses et généralement extérieures et postérieures à la cité. (les spartiates étaient particulièrement discrets quant à la manière dont ils vivaient ). Malgré cela, nous avons tout de même des connaissances sur leur système éducatif, élément central de la société spartiate.


Les spartiates étaient un peuple guerrier


Leur vie était rythmée par les batailles (comme dans le reste du Monde Grec mais avec un accent prononcé pour la guerre dès le plus jeune âge ) et leur éducation était donc naturellement très portée sur la guerre. L’éducation spartiate passait par deux grosses étapes de la vie. De la naissance et jusqu’à ses sept ans, un enfant (garçon comme fille) était élevé avec ses parents, en particulier par sa mère. Durant cette période, l’enfant était éduqué et instruit quant aux sujets des traditions, de la manière dont un spartiate doit se comporter. Des valeurs de fierté et de courage lui étaient inculquées.


Mais, l’éducation qui fera de l’enfant un vrai spartiate, au sens de citoyen de Sparte, un individu faisant partie du groupe ; commence à partir de sept ans avec le début de l’agoge (lire « agogué »). L’ agoge est le nom donné au système éducatif dispensé par la cité à tout enfant pouvant devenir citoyen. Cette étape constitue l’essentiel de la jeunesse de l’individu puisqu’elle dure jusqu’à ses vingt ans. Le jeune spartiate ne sera un citoyen de plein droit que lors de sa trentième année. Contrairement aux autres cités grecques où l’éducation se faisait au bon vouloir et surtout à la richesse des parents.





L’agoge est obligatoire, collective et dispensée par la cité. Dès l’âge de sept ans, les jeunes gens sont donc sortis du cadre familial pour intégrer leur « promotion » qui les suivra jusqu’à la fin de leur éducation. Ils sont désormais soumis à l’autorité du paidonomes (magistrat chargé de l’éducation) et de ses hebontes ( citoyens déjà adultes) porteurs de fouet. Les autres citoyens restent néanmoins autorisés à punir et réprimander les enfants.



Cette éducation est basée sur des principes de discipline et d’endurcissement par la douleur.


Les enfants spartiates ne portaient pas de chaussures, n’avaient droit qu’à un manteau par an et étaient rationnés pour la nourriture (ce qui favorisait le vol, qui était toléré, à condition de ne pas se faire prendre). Ces méthodes avaient pour but de former de bons citoyens mais surtout, de bons et courageux soldats habitués à des conditions difficiles. Ce courage, acquis dès l’enfance, est exprimé dans la légende de l’enfant au renard. Il s’agit d’un jeune spartiate qui aurait volé un renard pour se nourrir et qui à l’arrivée du paidonomes l’aurait caché sous sa robe. Il se serait laissé dévorer les entrailles plutôt que d’avouer le larcin et risquer d’être déshonoré.


Les jeunes gens étaient donc habitués à vivre collectivement ; cela permettait la cohésion, qui, sur un champ de bataille, est primordiale. Cette cohésion engendrait également le partage de valeurs et la même discipline chez les jeunes. Durant tout l’agoge, les jeunes spartiates étaient soumis à des épreuves sportives et paramilitaires. Ils avaient déjà reçu une éducation artistique et littéraire jusqu’à leur sept ans. On séparait garçons et filles uniquement à partir de la puberté, avant cela l’éducation est la même pour tout le monde.

Tout individu ne terminant pas l’agoge sera considéré comme un sous-citoyen

La dernière étape de l’ agoge est la kryptie qui se déroule la dernière année. Cette épreuve consiste à mettre le krypte (candidat à la kryptie) face à la nature sans aide extérieure. Le krypte passe donc une année entière sur le territoire, nu, ou peu vêtu, se nourrissant de ce qu’il chasse ou vole, et à tuer des hilotes ( des esclaves de spartes, considérés comme des sous-hommes). Passée cette étape, le jeune homme a alors 20 ans et est considéré comme un citoyen spartiate. Cependant, tous les jeunes hommes ne participent pas à la Kryptie, et seuls ceux ayant été repérés comme des éléments prometteurs sont sélectionnés. Ils seront les futurs hippeis (garde d’élite) et polémarques (général d’armée) de la cité. Notons enfin que tout individu ne terminant pas l’agoge pour quelque raison que ce soit ne peux pas devenir un citoyen de plein droit et sera considéré comme un sous-citoyen. D’où l’importance accordée par tous à cette éducation et à son accomplissement.


Notre petit tour en Grèce ancienne est désormais terminé, et nous avons pu observer des choses pour le moins… particulière. Je n’ai évidemment pas mentionné certaines choses pratiquées à Sparte comme la pédérastie qui était pratiquée durant l’agoge, ou encore les rites religieux qui faisaient partie intégrante de la vie et de l’inconscient de tous, pour rester dans le sens contemporain du terme « éducation » et rester le plus précis possible.

Si le sujet vous as plut, je ne peux que vous conseiller Sparte : cité des arts des armes et des lois de Nicolas Richer aux éditions PERRIN ou encore le très bel ouvrage d’ Edmond Lévy ; Sparte : Histoire politique et sociale jusqu’à la conquête romaine. Ces deux ouvrages sont évidemment beaucoup plus scientifiques que mon article et constituent une véritable mine d’or en informations et anecdotes sur la fascinante Sparte...


Jérémie

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