Jean Baptiste-Guégan chez les Bodin’s : interrogation sur la pertinence de la direction artistique télévisuelle

Le mercredi 9 février 2022, Bienvenue chez les Bodin's, émission mettant en scène le duo comique composé de Vincent Dubois et Jean-Christian Fraiscinet, réunit 4,76 millions de téléspectatrices et téléspectateurs sur la chaîne M6. Cet article propose une piste de réflexion sur le choix de la chanson interprétée par l'un de leurs invités. 

Parmi les guest-stars de ce prime time ayant réalisé une part d'audience loin d’être négligeable de 24,7%, figurent des magiciens, des humoristes, des chanteurs, y compris Jean-Baptiste Guégan. Aux côtés de nos deux compères, il entonne les premières paroles de la chanson Requiem pour un fou, de Johnny Hallyday, dont il est le sosie vocal...

"Je n'étais qu'un fou mais par amour. Elle a fait de moi un fou, un fou d'amour. Mon ciel, c'était ses yeux, sa bouche. Ma vie, c'était son corps, son cœur. Je l'aimais tant que pour la garder, je l'ai tuée".

Peut-on ainsi entendre de sa voix puissante. Mais ce n'est pas de sa performance vocale, que l'on établira une appréciation ici. Il s'agit plutôt de questionner le choix de cette chanson et sa pertinence, à une époque où l'accent est porté sur le nombre de féminicides perpétrés.

 

Ces mots résonnent avec une certaine ironie dramatique lorsque l’on sait qu’à cette date là, Arnaud.B, le policier aujourd’hui mis en examen pour “meurtre sur conjoint”, était encore en cavale. Le 2 mars 2022, deux autres féminicides ont été comptabilisés. Un homme de 21 ans a tué sa femme de 46 ans à coups de couteau à Bastia. Un autre de 60 ans a tué sa femme de 62 ans avec une arme à feu à Pithiviers. Le collectif #Noustoutes a compté 22 féminicides, depuis le début de l’année. Quand l’inaction du gouvernement se couple à ce genre de décision artistique malvenue, le constat est problématique.

 

Maria Bodin, Christian Bodin Jean-Baptiste Guégan - Filage du spectacle "Les Bodin's Grandeur Nature - Ca continue de plus belle" à Nantes. Le 14 décembre 2021 © Antoine Flament via M6


Avoir arrêté son choix sur une chanson abordant autant la possessivité maladive, que la culpabilisation de la femme qui ferait de l’homme un fou, apporte des interrogations. De plus, les Bodin’s attirent un large public, familial. La télévision est le média de masse par excellence, qui plus est à cet horaire, heure de la plus grande écoute. Le score d’audience réalisé était plus que notable pour M6, l’un des piliers des chaînes accessibles sans le câble. Le bon sens de la direction artistique optant pour un titre qui nourrit le mythe du crime passionnel est à questionner.

Aussi vrai que tuer est incompatible avec le fait d’aimer, on ne peut nier l’importance de l’influence de la culture et du divertissement dans la vision que l’on se fait de notre environnement social.

Ce qui pourrait relever d’un simple détail pour certaines et certains, tend à jouer une place dans la construction et la déconstruction. À la fois du discours que l’on tient dans le secteur audiovisuel et sur la perception de la place des femmes et des hommes dans la société. Loin de la volonté de n’apporter qu’un jugement non constructif, cet article a l’ambition de poser la question de l’importance de la cohérence des contenus divertissants proposés au public à la télévision, pour les réfléchir de manière à ce qu’ils soient le plus possible en phase avec notre temps. 

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