A la conquête de Mars !
EPISODE PREMIER : MISSION ALPHA
Mars. Quatre petites lettres qui cachent en réalité tout un monde, qui nous est encore inconnu, mais qui représente une des voies possibles de l’avenir de l’humanité. Mars. Un gros caillou dans l’espace, en apparence désert et mort, mais qui est devenu le nouvel objectif de nous autres “terriens”, notre nouvel horizon d’exploration, notre prochaine conquête. Mars. Souvent imaginée au cinéma, parfois fantasmée, la planète rouge suscite curiosité et émerveillement, autant de par son aspect passionnant sur un plan scientifique et philosophique, que de par son côté irréel, inatteignable. Et si, dans un avenir proche, la fiction devenait réalité ?
Dans cette humble série, je voudrais vous parler de ce chemin vers la conquête de Mars : où en est-on aujourd’hui ? que nous manque-t-il ? qui sont les concurrents de cette course ? pourquoi chercher à explorer une autre planète ? et surtout, quand l’Homme pourra-t-il poser le pied sur Mars ?
Dans ce premier épisode, pour avoir un exemple de la situation actuelle dans cette volonté d’exploration, regardons seulement 400 km au-dessus de nos têtes, dans l’ISS, et admirons la première étape de ce long chemin : la Mission Alpha.
LA MISSION EN BREF
23 avril 2021. 5h49 heure locale, 11h49 en France. La fusée Falcon 9 de SpaceX, transportant la capsule Crew Dragon, décolle depuis Cap Canaveral, en Floride, aux Etats-Unis. A son bord, l’équipage Crew-2, qui part vers l’ISS (où il arrivera le lendemain, 24h et quelques après le décollage), pour une mission de six mois dans l’espace, baptisée Alpha (en référence à Alpha du Centaure, le système solaire le plus proche du nôtre, mais également dans la suite logique de la 1ere mission de l’astronaute français Thomas Pesquet en 2016-17 baptisée Proxima, étoile du système solaire Alpha Centauri).
Cet équipage de la mission Crew-2 (Mission Alpha) est composé de 4 astronautes, qui sont :
Thomas Pesquet, français, 43 ans, 2e mission dans l’espace (et dans l’ISS) ;
Robert Shane Kimbrough, américain, 53 ans, 3e mission dans l’espace (et dans l’ISS) ;
Akihiko Hoshide, japonais, 52 ans, 3e mission dans l’espace (et dans l’ISS, à laquelle il avait même ajouté un module lors de son premier séjour, le laboratoire nommé Japanese Experiment Module et surnommé Kibō) ;
Katherine Megan McArthur, américaine, 49 ans, 2e mission dans l’espace (mais 1ere dans l’ISS, puisque son premier voyage spatial était la dernière mission de service pour l’entretien du télescope spatial Hubble, donc qui ne passait donc pas par l’ISS, ce qui était une première pour une mission dans l’espace depuis 1994).
A bord de l’ISS, ils ont rejoint les 7 astronautes déjà présents sur place : les 4 de la mission Crew-1, qui sont Shannon Walker (USA), Victor Glover (USA), Mike Hopkins (USA) et Soichi Noguchi (Japon), arrivés en novembre 2020 par le premier vol de la capsule Crew Dragon de SpaceX, et repartis le 28 avril 2021 ; ainsi que les 3 de l’expédition 65 (65e roulement de l’équipage de l’ISS), qui sont Oleg Novitskiy (Russie), Pyotr Doubrov (Russie) et Mark Vande Hei (USA), arrivés le 9 avril 2021.
A noter donc que l’essentiel de la mission Alpha se fera avec 7 astronautes à bord de l’ISS : les 4 de la mission, ainsi que les 3 de l’expédition 65, qui repartiront eux aussi vers la Terre en octobre 2021, quelques jours avant Thomas Pesquet et ses équipiers.
Pour son deuxième séjour à bord de l’ISS, Thomas Pesquet ne sera pas entouré que de nouveaux coéquipiers puisqu'il en a déjà croisé 2 dans cette même ISS lors de son premier séjour : Oleg Novitskiy était membre de la mission Proxima avec lui et ils se sont même retrouvés seuls tous les deux dans le Soyouz lors de leur retour sur Terre en 2017, puisque le 3e membre de la mission, la légende vivante Peggy Whitson, était restée quelques semaines de plus en orbite ; Robert Shane Kimbrough était présent dans l’ISS lors de la première venue de Thomas Pesquet (il avait partagé 3 mois d’espace avec lui) et ils ont même effectué 2 EVA (sorties extra-véhiculaires) ensemble.
UNE MISSION INÉDITE
Tout d’abord, comme évoqué plus tôt, la fusée et la capsule utilisées pour cette mission sont produites par SpaceX, c’est-à-dire une entreprise privée qui produit pour la collaboration publique NASA (agence spatiale américaine) - ESA (agence spatiale européenne) - JAXA (agence spatiale japonaise). C’est la deuxième mission organisée de la sorte, la première étant celle arrivée en novembre et rentrée hier sur Terre. Au vu de l’histoire de la conquête spatiale, il s’agit ici d’une révolution qui commence.
Ensuite, toujours par rapport à cette capsule Crew Dragon de SpaceX, il est à noter que celle utilisée pour amener les protagonistes de la mission Alpha dans l’ISS est également celle qui a amenée la mission Crew-1 dans l’ISS en novembre. Elle était redescendue sur Terre, elle est donc remontée pour Crew-2 (mission Alpha) et a ensuite ramené sur Terre Crew-1. Ici encore, SpaceX révolutionne la manière de faire, permettant d’économiser des millions de dollars grâce à ses capsules réutilisables. D’ailleurs, le premier étage de la fusée, permettant à celle-ci de quitter l’atmosphère terrestre avant de se détacher (également conçu par SpaceX) est lui aussi réutilisable. Tout ça au plus grand bonheur des agences spatiales, puisque le coût de cette étage, auparavant à usage unique, avoisine les 50 millions de dollars (il s’agit de la pièce la plus chère).
Enfin, il nous faut faire preuve de chauvinisme et nous concentrer sur Thomas Pesquet, qui va inscrire son nom dans les livres d’histoire (notamment français) de la conquête spatiale. Il est d’abord le premier européen à voyager à bord d’un vaisseau SpaceX ; il est le benjamin de la bande d’astronautes du paysage actuel ; et surtout, il va devenir dans 3 mois, le tout premier français à être nommé commandant de l’ISS !
Il s’agit là d’un grand honneur, pour lui qui s’impose de plus en plus comme l’un des visages majeurs des humains de l’espace aujourd'hui. Il est même dans les principaux noms probables pour les premières missions habitées vers Mars, voire les prochaines vers la Lune (si Mars est encore hors de portée pour trop longtemps, sachant qu’une nouvelle course vers la Lune, notamment sa face cachée, est en cours).
LES EXPÉRIENCES PRINCIPALES DE THOMAS PESQUET
Une fois dans l’ISS, les astronautes ne passent pas leur temps dans la Cupola à prendre des photos de la Terre et à être dans la Lune. Au contraire, leur programme est extrêmement chargé : aux 2h30 quotidiennes de sport (indispensables pour conserver une condition physique saine) s’ajoutent entre 100 et 200 expériences à réaliser dans les 6 mois.
En tant qu’astronaute pour l’ESA (agence spatiale européenne), Thomas Pesquet va réaliser les expériences préparées par celle-ci (en collaboration toujours avec la NASA et la JAXA), et notamment la dizaine préparée par le CADMOS (Centre d’Aide au Développement des activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiales, situé à Toulouse) au titre de la contribution française du CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) à la mission Alpha. En voici les principales :
L’expérience Dreams, pour étudier le sommeil des astronautes, qui voient leur cycle normal perturbé par les différents levers et couchers de Soleil qu’ils peuvent observer quotidiennement (environ 16), à l’aide d’un bandeau frontal récupérant les données du sommeil de Thomas Pesquet dans l’espace pour les comparer à celles relevées sur Terre ;
L’expérience Eco Pack, divisée elle-même en 3 expériences :
L’expérience Renewable Foam, pour optimiser la gestion des déchets dans l’ISS via la création de mousses de transport, habituellement jetées une fois inutiles, soit réutilisables, soit recyclables en tant que matériau pour un autre élément (imprimante 3D par exemple) ;
Pour aller plus loin, les chercheurs ont développé l’expérience Edible Foam, pour qu’une partie de ses mousses de transport “écologiques” soit même comestible (sous forme pour l’instant de pain de Gênes, de madeleine ou de pain d’épice) ;
L’expérience Freshness Packaging, afin de prolonger la durée de vie des produits frais, d’allonger leur date limite de consommation (avec pour objectif de passer de 15 jours à 1 mois) ;
L’expérience Télémaque, qui est une “pince acoustique” permettant de déplacer, manipuler, étudier des objets ou des liquides sans jamais entrer en contact avec eux (via une “lévitation acoustique”) ;
l’expérience Cerebral Ageing pour étudier le vieillissement du cerveau à l’échelle moléculaire, puisque l’ISS est unique pour observer le vieillissement cellulaire et l’impact des radiations sur le corps humain ;
L’expérience Immersive Exercise, qui consiste en un casque VR permettant aux astronautes de s’immerger dans un environnement virtuel pour leurs séances de sport quotidiennes, car 2h à 2h30 de sport tous les jours face au même mur blanc, ça devient vite ennuyeux ;
L’expérience Blob, qui consiste à étudier le développement dans l’ISS d’un blob, étonnant micro-organisme, afin de comprendre l’impact de la micropesanteur sur son comportement et sa nutrition (la même expérience étant réalisée sur Terre en parallèle par des étudiants afin de comparer) ;
L’expérience Pilote, c’est-à-dire l’utilisation de la réalité virtuelle pour le pilotage robotique des bras de la station, tout en étudiant les données du cerveau afin de comprendre son fonctionnement pour lors du pilotage à distance d’un robot
C’est donc un programme riche et chargé qui attend Thomas Pesquet, sachant que ces expériences ne sont que les principales et qui lui devra en réaliser au total au moins une centaine, dont certaines qui sont la continuité des expériences qu’il avait commencé en 2016-17 lors de sa mission Proxima.
LA PLACE DE CETTE MISSION DANS LE PARCOURS VERS LA CONQUÊTE DE MARS
En termes de techniques de voyage, au niveau des vaisseaux et capsules utilisés, cette mission est un vrai défi et un vrai indicateur pour SpaceX et pour la NASA, puisque leur collaboration efficace est primordiale afin d’accélérer la recherche et le développement des techniques et matériels nécessaires pour voyager vers Mars.
Via l’utilisation de la capsule réutilisable Crew Dragon, le retour en bon état du 1er étage de la fusée et les économies dans le budget “trajet”, SpaceX montre toutes les avancées qu’elle a mis en oeuvre, et ouvre la voie à la résolution de problématiques majeures par rapport au trajet de 9 mois qui attend le premier voyage vers Mars, son atterrissage indemne sur la planète rouge et son retour en 9 mois également.
En terme de recherche scientifique, les expériences réalisées par Thomas Pesquet vont permettre d’étudier différents éléments indispensables en vue d’un potentiel voyage entre Terre et Mars :
Le sommeil des astronautes, qu’il est indispensable d’optimiser pour assurer le voyage dans de bonnes conditions et surtout une arrivée sur Mars en bonne condition physique et mentale ;
La nutrition des astronautes, via le développement de housses de transport comestibles, permettant d’avoir des produits frais sur une durée plus longue, ainsi que via le “jardinage spatial”, en étudiant le comportement de plantes et micro-organismes dans l'espace, afin de pouvoir faire pousser de la nourriture pendant le trajet et sur Mars (et également afin d’assurer le transport de plantes, voire de les faire pousser sur Mars, nécessaires à une relative “terraformation” de Mars) ;
La condition physique des astronautes, via des séances de sport plus intenses mais moins barbantes, leur permettant de s'entraîner et d’arriver en forme olympique sur Mars (au contraire de la situation actuelle, où le retour sur Terre est toujours extrêmement éprouvant, le voyage spatial ayant des conséquences physiques absolument dévastatrices pour le corps humain).
Si la conquête de Mars n’est pour l’instant possible que dans notre imagination, cette mission Alpha est un pas vers la concrétisation de celle-ci, qui j’espère arrivera le plus tôt possible… Grâce en partie à cette mission, le moment où l’humain posera le pied sur Mars se rapproche doucement.
Mais il nous reste plusieurs éléments, aspects, problématiques à évoquer, et je vous donne pour cela rendez-vous dans le prochain épisode ;-)
