Les lancers de projectiles sur les tableaux sont-ils le choc nécessaire pour réveiller les consciences face à l’urgence écologique ? 

Le Printemps de Monet à Lyon, La Vénus au miroir à Londres, La Joconde à Paris : tous ces tableaux ont été la cible de lancers de projectiles (soupe, sauce tomate…) par des collectifs écologistes (Greenpeace, Just Stop Oil, Ultima Generazione). Voulant dénoncer l’inaction face à l’urgence climatique, les militants écologistes multiplient leurs actions de sensibilisation et notamment leurs actions aux musées. On a ainsi  pu observer de nombreuses scènes devenues virales sur les réseaux sociaux où des militants lançaient des projections sur des tableaux très souvent protégés par une vitre. Leurs actions ont une symbolique forte et cherchent à éveiller les consciences. Pourtant, les spectateurs sont souvent agacés et dans l’incompréhension face à ces actions. Une des premières questions qui leur vient en tête est : pourquoi donc s’en prendre à une œuvre d’art qui n’y est pour rien dans l’inaction climatique ? 

Des militantes écologistes du mouvement “Riposte alimentaire”, se positionnent devant le tableau après avoir aspergé La Joconde, Source : Europe 1



Les faits 

Après avoir aspergé la Joconde de soupe deux semaines avant, le collectif Riposte alimentaire a réitéré son action le 10 février. Cette fois sur le tableau le Printemps de Claude Monet exposé au musée des Beaux Arts de Lyon. Cet acte de revendication visait à dénoncer la précarité alimentaire ainsi que la crise sociale et climatique en France. Un communiqué du musée précise que le tableau n’a pas été endommagé grâce à la protection de sa vitre. Le  musée a toutefois annoncé vouloir porter plainte contre les deux activistes pour “acte de vandalisme”. Par ailleurs, les activistes encourent jusqu’à sept ans de prison et 100 000 € d’amende pour “destruction, dégradation ou détérioration d’un bien culturel”.

Les motivations 

Loin d’être un simple lancer de projectile, le mode d’action des activistes est porteur d’une symbolique et d’un message fort.  Le but est de dénoncer le “deux poids, deux mesures”. Entre l’indignation et la portée médiatique négative suscitées par ces actions d’une part, et le peu de réaction  soulevé par la dégradation de la planète d’autre part.

Ça s'appelle de la désobéissance civile. C'est un mode d'action qui a amené de nombreux progrès au genre humain à travers l'histoire", s’est justifié le porte-parole de Greenpeace Clément Sénécha. Il s’est exprimé après que le tableau les Tournesols  de Van Gogh a été pris pour cible à Londres. 

Très souvent, les lancers de projectiles sont associés  de discours par les activistes sur le moment. A posteriori, le collectif revient régulièrement sur les raisons de leurs actions via un communiqué. Par exemple, les deux activistes du collectif Riposte alimentaire ont crié “qu'y a-il de plus important ? L’art ou le droit à une alimentation saine et durable ?” Par la suite, le collectif réclamait dans un communiqué transmis à l’AFP “l’intégration de l’alimentation dans le régime général de la sécurité sociale”. 

Enfin, Michele Giuli, membre du groupe Ultima Generazione qui s’est attaqué au Printemps, s’est exprimée dans l’émission Tout un monde de la RTS. Elle notait une analogie entre “la façon dont les gens visitent les musées -souvent d’une manière passive, rapide et superficielle - et comment ils voient la nature et la crise climatique, également d’une manière passive, rapide et superficielle”

Une sensibilisation du public ? 

Le fait de dénoncer l’inaction climatique part d’une bonne intention, néanmoins le mode d’action utilisé semble desservir le message porté. D’autant plus que les scènes des  lancers sur les tableaux sont largement diffusées sur les réseaux sociaux, vues, revues, partagées, commentées. Ce que les internautes retiennent, c’est le fait que des projectiles ont été lancés, mais ils ne retiennent pas les revendications écologiques des activistes. Si bien que le traitement médiatique de ces événements est très souvent négatif. Et pour cause, le terme de “vandalisme” qui est parfois employé caricature les actions des activistes sans inclure leur  volonté de dénonciation. La portée des messages véhiculés, bien que présente, est limitée. Les militants eux-mêmes s’interrogent sur leur mode d’action. Par exemple, l’activiste d’Ultima Generazione Michele Giuli considère que les actions du collectif ont un grand impact médiatique, mais pas un impact réel. "Ce que nous devons faire, c'est mener des actions de désobéissance civile qui créent une gêne économique plus importante. C'est la plus grande exaspération possible. C'est l'exaspération qui pousse les gouvernements à répondre. Finalement, je crois que ce type d'actions, faites trop de fois, ne constitue plus une nuisance, mais devient une performance normalisée, une habitude pour les personnes. Il devient une mode" affirme-t-elle.




En somme, même les lancers de projectiles dans les musées ne suffisent pas à éveiller les consciences, bien que le fait de vouloir confronter les réactions excessives des spectateurs avec l’inaction écologique soit une entreprise sensée et réfléchie. Ainsi, l’enjeu pour les militants écologistes est de trouver un mode d’action suffisamment percutant pour éveiller les consciences. Mais sans desservir leur cause, ce qui n’est pas une mince affaire. 

Par ailleurs, après la dégradation du tableau à Lyon, le maire écologiste de Lyon a dit regretter l’action menée ce jour-là au musée. Il a cependant nuancé son message diffusé sur X en assurant que “face à l’urgence climatique, l’angoisse est légitime. Nous y répondons par une action résolue”. Cette réaction est l’une des seules réactions par un politique concernant les actions menées dans les musées. Elle explique pourquoi les écologistes sont à la recherche de modes d’action permettant d’éveiller les consciences certes, mais aussi et surtout de forcer les politiques à réagir et à agir. 




Sources : 

  • france culture : pourquoi les militants écologistes utilisent l’art pour mener à bien leurs actions ?

  • france info : oeuvres d’art visées par des militants écologistes 

  • Lyon Capitale : Au musée des Beaux Arts, jet de soupe sur un tableau de Monet par deux activistes écologistes 

  • Le Figaro : Lyon : une toile de Monet aspergée de soupe par des écologistes 

  • AOC media : De l’activisme écologiste dans les musées 

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